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Entretien avec Olivier Vergeynst, Directeur de ISIT-BE : penser l’avenir numérique responsable

Fondé en 2020, l'ISIT-BE (Belgian Institute For Sustainable IT) est une association sans but lucratif qui œuvre pour un numérique plus responsable. Découvrez l’interview d’Olivier VERGEYNST, son Directeur Exécutif.

Publié le
Olivier Vergeynst (ISIT)

Q : Si vous deviez définir le numérique responsable, comment le feriez-vous ?

Le numérique est aujourd’hui présent partout dans nos vies et a profondément changé notre société en quelques décennies. S’il nous facilite la vie dans de nombreux domaines et apporte des gains de productivité phénoménaux, il a aussi de nombreux impacts négatifs dont peu de gens ont conscience. Des impacts environnementaux importants (consommation de métaux, de terres rares et d’eau, pollution diverses) liés à la fabrication des équipements et à l’énergie requise pour les faire fonctionner, ainsi que des impacts sociaux comme la fracture numérique, les problèmes d’accessibilité, d’addiction aux écrans ou les questions d’éthique par exemple. Le numérique responsable vise à créer un équilibre entre l'avancement technologique et le bien-être sociétal et environnemental, en s'assurant que les technologies sont développées et utilisées de manière éthique, durable et inclusive.

Q : Comment peut-on appliquer ces principes de numérique responsable au niveau des régions, des entreprises et des particuliers ?

Pour cela, il faut avant tout comprendre d'où viennent les impacts pour savoir comment les réduire. D’un point de vue environnemental, l'impact le plus significatif provient de la fabrication des équipements avant même leur utilisation. Plusieurs leviers peuvent être actionnés à cet égard.

Le premier levier, à la maison comme au bureau, c’est de se demander ce qui est indispensable ou utile, de résister au marketing et au suréquipement, de réfléchir à la fréquence de renouvellement, et de considérer des alternatives telles que l’achat de produits reconditionnés.

Le deuxième levier concerne la quantité et la qualité de données que nous produisons et transmettons, que ce soit sous forme de vidéos, de photos, d’audio ou de texte. Il est important de rationaliser l'utilisation des médias, par exemple en évitant de regarder des vidéos lorsque l'audio seul suffit à notre besoin, réduisant ainsi la consommation inutile de données.

Le troisième levier, spécifique aux entreprises, est l'écoconception ou la conception responsable de services numérique. Il s'agit d’intégrer les considérations environnementales dès la conception de services numériques proposés aux utilisateurs, comme les guichets numériques, les applications pour smartphones ou les sites web. Cette approche, bien que souvent perçue comme un peu plus coûteuse, peut non seulement réduire les coûts de design, de développement et de maintenance, mais aussi augmenter l’accessibilité et l’inclusion (donc le nombre d’utilisateurs potentiels), en plus de s’avérer plus durable d’un point de vue environnemental.

Le quatrième levier, lui aussi spécifique aux organisations, concerne la gouvernance. Il s’agit ici de définir une stratégie de numérique responsable et un plan d’action comprenant un accompagnement du changement, en mettant l'accent sur la réduction des impacts négatifs inhérents à la digitalisation.

De mon point de vue, la perspective du Green ITOuvrir dans une nouvelle fenêtreLien externe et la focalisation sur l’accessibilité et l’inclusion numérique deviennent des priorités incontournables pour les organisations.

Q : Comment l'ISIT-BE Ouvrir dans une nouvelle fenêtreLien externese positionne-t-il par rapport aux leviers et aux enjeux du numérique responsable ?

L'ISIT-BE s’engage selon quatre axes majeurs. Dans un premier temps, la sensibilisation constitue un pilier essentiel, avec des événements pour informer le grand public sur les enjeux du numérique responsable. Il prend forme par la mise à disposition d’outils, de formations et de ressources destinés à soutenir et accompagner les entreprises dans l’adoption de démarches responsables. La recherche occupe également une place prépondérante et est orientée vers l’exploration des enjeux du numérique responsable et l’identification des meilleures pratiques pour sa mise en œuvre. Enfin, l'influence se matérialise par notre plaidoyer en faveur d'une évolution des politiques publiques et des réglementations, en vue de promouvoir activement le développement du numérique responsable dans notre société.

Q : Pouvez-vous nous parler des actions concrètes que vous menez ?

Nous organisons régulièrement des conférences et des événements à l’image du Digital Clean’Up Day, contribuant ainsi à la sensibilisation et à l’éducation du public. L’ISIT-BE accueille tous les acteurs intéressés par la promotion d’un environnement numérique plus responsable. Notre site web met d’ailleurs à disposition toute une gamme de ressources gratuites, comprenant des outils, des guides de bonnes pratiques et des formations en ligne. Parmi ces outils, se trouve la Calculatrice NROuvrir dans une nouvelle fenêtreLien externe, qui permet d'estimer facilement l'empreinte en gaz à effet de serre de vos équipements numériques et de leur utilisation, et de la comparer à l'impact de vos déplacements professionnels. Une version bien plus détaillée existe aussi : le WeNROuvrir dans une nouvelle fenêtreLien externe permet aux organisations de mesurer l’empreinte carbone de leurs services numériques de façon plus précise. Enfin, nous proposons la Charte Numérique Responsable, un engagement volontaire pour les entreprises qui aspirent à adopter une démarche responsable dans leurs pratiques numériques, et le Label NR pour les organisations qui souhaitent aller plus loin dans la démonstration de leur engagement.

Q : Vous avez mentionné que l’ISIT-BE se concentre davantage sur les organisations que sur le grand public. Pourquoi ce choix ?

Notre impact principal se fait à travers les organisations. Bien que nous organisions occasionnellement des conférences grand-public, notre principal levier d'action s'avère plus efficace au sein des entreprises. Cela s'explique en partie par l’ampleur de l’impact que nous pouvons générer, avec des ressources limitées et une petite équipe. Par exemple, en collaborant avec de grandes entreprises comme Belfius ou des administrations de taille conséquente comme Paradigm, nos actions ont un impact direct sur des centaines voire des milliers d'utilisateurs, soit bien plus que dans une conférence grand-public.

Q : Comment l'ISIT-BE s'intègre-t-il concrètement dans les organisations ?

Notre mission est de semer la graine du numérique responsable au sein des organisations. Nous offrons des outils, des connaissances et des retours d'expérience pour aider les entreprises à élaborer leurs propres solutions responsables, adaptées à leurs besoins spécifiques. En encourageant les échanges au sein de notre communauté, nous favorisons une approche collaborative et l’adoption de pratiques plus durables dans le domaine du numérique. Ainsi, notre équipe de quatre personnes entretient une collaboration étroite avec nos membres qui constituent le socle de notre communauté. Cette collaboration permet de recueillir et analyser leurs retours d'expérience, pour élaborer des guides de bonnes pratiques et outils qui sont ensuite partagés avec l'ensemble de la communauté. Ce processus de cocréation nous permet de concevoir des solutions adaptées à chaque organisation.

Q : Existe-t-il une coordination régionale dans les enjeux du numérique responsable ?

Oui, la coordination régionale joue un rôle essentiel, et il est important de souligner cet aspect. La Région bruxelloise se distingue par ses initiatives novatrices dans ce domaine, se positionnant en pionnière. Cet engagement concerne tant la Région bruxelloise que la Ville de Bruxelles, formant un écosystème fonctionnel, favorisant une collaboration étroite entre les autorités régionales, locales et divers autres acteurs.

Q : Comment s’illustre cette avancée de la Région bruxelloise par rapport aux enjeux du numérique responsable ?

L’engagement tangible en faveur du numérique responsable se reflète à travers le soutien actif aux startups et aux entreprises qui adhèrent à une approche responsable. La Région bruxelloise encourage activement les administrations et les entreprises à adopter des pratiques numériques responsables. Cela peut se manifester par des mesures incitatives, des campagnes de sensibilisation, ainsi que des programmes d'accompagnement dédiés aux entreprises. C'est quelque chose qui, de mon point de vue, n'est pas encore aussi marqué dans d’autres régions. Cette impulsion en faveur du numérique responsable bénéficie entre autres d’un solide soutien des cabinets du Ministre Clerfayt et de la Secrétaire d’Etat Trachte. On constate une volonté politique affirmée et une implication soutenue des administrations dans cette démarche qui renforce la dynamique vers un numérique plus responsable. Cela favorise également la création d’un écosystème propice à l'innovation durable. 

Q : Est-ce que la Fresque du Numérique est un outil que vous utilisez pour sensibiliser autour du numérique responsable ?

La Fresque du NumériqueOuvrir dans une nouvelle fenêtreLien externe est un outil qui a été initialement développé en France, disponible d’abord en français, puis en anglais, et plus récemment en néerlandais. Nous avons collaboré avec Bruxelles Environnement en nous appuyant sur la Fresque du Numérique pour organiser un événement à Bruxelles afin d’en présenter la version néerlandophone. Il y a maintenant des animateurs en Belgique capables de la présenter dans les trois langues.

Donc, oui, nous soutenons la Fresque du Numérique, et tous les employés de l'ISIT-BE ont participé à au moins une Fresque. Cependant, notre objectif n'est pas de remplacer les animateurs de la Fresque du Numérique : nous collaborons et échangeons régulièrement avec ces animateurs et les organisateurs en France. Notre intention est de faciliter les liens et d’accroître la visibilité de ces différents experts. Nous les mettons en relation avec les entreprises qui souhaitent utiliser cet outil.

Q : Quelle est votre vision pour le futur du numérique responsable ?

Cela peut vous paraitre fou, mais j’aimerais rendre l'ISIT-BE obsolète (rires) ! Non pas parce qu’une meilleure offre d’accompagnement existerait, mais parce que la prise en compte de l'empreinte environnementale et sociale du numérique serait intégrée de façon naturelle dans la gestion informatique de toutes les organisations. Mon objectif est de faire de cette pratique une norme généralisée. À ce stade, l'ISIT-BE n'aurait plus de raison d'être. J'aimerais alors pouvoir démanteler l'association parce que son but serait atteint.

Q : Quels conseils donneriez-vous aux particuliers souhaitant contribuer au numérique responsable ?

En complément des bonnes pratiques de base (acheter moins d’équipements, les garder plus longtemps etc.), je conseillerais aux particuliers de se poser la question des effets leviers qu'ils peuvent avoir à travers leur profession et leurs activités, quelles qu’elles soient. C’est un premier pas pour agir en faveur de plus de durabilité et d’inclusion, dans le numérique mais aussi dans tous les domaines. Dans leurs usages numériques, il est essentiel de réfléchir à la manière dont ils peuvent influencer positivement l’action de leur organisation en faveur d’un numérique plus responsable, que ce soit au niveau de la communication, des ressources humaines ou dans tous les domaines pertinents. En plus de cela, je recommanderais une meilleure compréhension technique des outils numériques que nous utilisons au quotidien, via une formation approfondie.

Enfin, il est crucial de s’interroger sur sa propre dépendance au numérique. Cela implique de réfléchir à la manière dont nous utilisons ces outils, à la fréquence d'utilisation, et à l'impact de nos choix numériques au-delà de notre sphère personnelle. La prise de conscience de l'impact réel des équipements et usages numériques est essentielle pour une utilisation plus responsable.

Le Printemps Numérique Bruxelles 2024 aura lieu le vendredi 22 et le samedi 23 mars 2024.Pour cette nouvelle édition, organisée par Paradigm, Printemps Numérique Bruxelles prend ses quartiers à Tour & Taxis et se veut, encore une fois, la vitrine de ce que l’écosystème IT en Région bruxelloise fait de mieux. Pour vous y inscrire, rendez-vous ici.

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